Nommé ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, ministre des Transports et ministre responsable de la Société d’habitation du Québec en septembre 2012, monsieur Sylvain Gaudreault est un homme fort occupé. Cela ne l’a pas empêché de prendre quelques minutes pour répondre aux questions de l’équipe d’Espace Habitat. Nous le remercions chaleureusement.
EH : Quel bilan faites-vous de votre première année à titre de ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, ministre des Transports et ministre responsable de la Société d’habitation du Québec?
Je pense que c’est un bilan très positif. Nous avons bien travaillé ensemble, les deux ministères et la SHQ. Mais il y a deux éléments que j’aimerais particulièrement souligner.
D’abord, depuis un an, il y a une vision intégrée qui se dégage de plus en plus entre la planification des transports, l’aménagement du territoire et l’intégration du logement. Je pense que c’est une vision moderne. C’était d’ailleurs la volonté de la première ministre que ça se reflète [dans nos actions]. Je suis d’avis que nous ne pouvons pas imaginer le développement des transports, au 21e siècle, sans penser à l’aménagement du territoire, au développement des quartiers et, forcément, au développement et à l’intégration de l’habitation.
Le deuxième élément que je retiens de cette année, c’est la décision d’aller de l’avant avec la construction de 3000 logements communautaires par année, pendant cinq ans.
EH : Dans le contexte du retrait du gouvernement fédéral en matière d’habitation, et notamment de la fin du financement de l’habitation sociale, quelle est votre stratégie vis-à-vis du gouvernement fédéral?
Premièrement, je considère que le retrait du gouvernement fédéral est inacceptable. Et j’entends bien continuer la bataille pour qu’il poursuive ses investissements dans le logement social.
Je suis fier que l’intervention du Québec ait mené, lors de la dernière rencontre des ministres responsables de l’habitation à Toronto, en juin dernier, à l’adoption d’une position de l’ensemble des provinces assez forte pour contester ce retrait du fédéral.
Pour ma part, il y a longtemps que j’ai demandé une rencontre avec madame Diane Finley. Mais vu les circonstances [NDLR : le mari de madame Finley, M. Doug Finley, est décédé en mai 2013], nous avons dû reporter la rencontre.
Par la suite, il y a eu un remaniement ministériel à Ottawa et la nomination d’un nouveau ministre [monsieur Jason Kenney]. Depuis, nous sommes en attente d’une réponse pour une rencontre. Mais une chose est certaine, c’est que nous allons poursuivre la bataille parce qu’il faut faire la démonstration auprès de ce gouvernement fédéral que l’habitation n’est pas une dépense, mais un investissement. L’habitation est un investissement dans les collectivités, c’est du développement économique également, avec les chantiers que cela implique.
EH : Vous allez donc collaborer avec les autres provinces pour mener cette bataille?
Oui, car on ne peut pas accepter le retrait du fédéral.
EH : Comment entrevoyez-vous la collaboration entre le réseau de la santé et la SHQ afin de répondre adéquatement aux besoins des clientèles?
C’est fondamental. Avoir un logement qui est décent, avoir un toit sur la tête qui est convenable, c’est une condition de santé, parce que ça réduit les soucis des gens et ça aide aussi à la santé mentale. Moi, je peux vous dire que je collabore très étroitement avec mon collègue Réjean Hébert. Comme vous le savez, il est gérontologue, donc il connaît très bien la réalité des personnes aînées et il y est très sensible. Cela dit, à partir du moment où il y a une excellente collaboration entre les ministres (au sommet) – et c’est une des choses que je retiens aussi depuis un an – ça paraît dans les machines.
En ce moment, nous travaillons pour adapter les programmes, les certifications et les crédits d’impôt pour qu’en bout de ligne, ce soit les aînés qui en profitent et surtout, qu’ils ne soient pas pénalisés. Alors, je peux vous dire que nous avons une excellente collaboration à titre de ministres, et je suis certain que cette collaboration se transmet dans les administrations, et ce, autant du côté de la SHQ que du ministère de la Santé et des Services sociaux.
EH : L’adoption d’une politique d’habitation est-elle envisageable?
C’est certain que chaque gouvernement arrive avec sa couleur et sa façon de faire. Mais il reste une chose : c’est que l’État doit se poursuivre malgré les changements de gouvernement. Ça, c’est ce que nous appelons la suite de l’État. Et nous ne pouvons pas, pour le bien de la population, changer trop souvent non plus, car il y a des projets qui doivent continuer.
Moi, je pense que la question d’une politique d’habitation est une question qui se pose, mais présentement, nous avons d’autres chantiers en cours. Par exemple, nous travaillons actuellement à la mise en place d’une politique de mobilité durable, du côté du ministère des Transports, qui va tenir compte, pour une première fois, de l’aménagement du territoire et de la question de l’habitation. Nous nous attaquerons également à la révision, dans les prochains mois, de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, une loi très importante du côté du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire. Cette loi tiendra également compte de l’habitation.
Déjà, à la lumière de ces deux exemples (la politique de mobilité durable et la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme), nous constatons que la table est mise pour une réflexion plus large sur l’habitation.
EH : Quelle est votre vision de l’engagement politique?
Je pense que l’engagement politique, c’est pour le bien de la société et le bien de la collectivité. Il ne faut pas en faire une carrière, sinon nous devenons carriéristes [rires]. Moi, je considère que cette fonction de ministre et de député m’est prêtée. Donc, j’en profite au maximum. Et ça me permet de garder les deux pieds sur terre parce que je suis d’abord et avant tout un professeur qui fait de la politique.
De cette façon, ça me ramène à l’essentiel du travail. Je dois dire que je rencontre à tous les jours des gens en politique qui sont engagés et dévoués et qui ne veulent pas en profiter pour leur bien personnel. Malgré la dernière année qui a été très difficile, il reste que l’immense majorité des élus municipaux sont des gens qui sont engagés et dévoués et cela, je le vois à tous les jours.
EH : Il existe un lien assez évident entre l’engagement politique et l’engagement citoyen. Pour vous, quelle est l’importance de l’engagement citoyen?
Je pense que c’est le reflet des besoins de la société. Nous, comme politiciens ou comme élus, nous devons être à l’écoute [des citoyens]. Par exemple, quand nous avons inauguré la Résidence Saint-Jean Eudes, les membres du conseil d’administration étaient là. Et c’est très bien, car ce sont ces gens qui, à la base, se sont mobilisés, se sont réunis et qui ont tenu le phare pendant des années et des années pour avoir leur logement. Moi, j’ai beaucoup de respect pour cela. Au fond, mon rôle à moi, c’est d’être le reflet et d’être à l’écoute de ces mobilisations. Alors, je pense que c’est cela qu’exprime l’engagement citoyen.
Puis, en habitation, l’engagement citoyen est particulièrement important, parce que lorsqu’il est question de logements sociaux ou communautaires, nous faisons référence à des processus de décisions démocratiques, par l’entremise de conseils d’administration, d’assemblées générales et de coopératives. Et si je ne suis pas à l’écoute de ces mouvements-là, en tant que ministre responsable de l’habitation, cela ne donne rien. Alors, il faut vraiment être sensible à cela.
EH : Vous détenez deux portefeuilles très exigeants, comment arrivez-vous à concilier le travail et vos temps libres?
C’est certain que ça prend une bonne coordination et une bonne planification, mais j’y arrive! D’ailleurs, je suis très content d’avoir réussi à rouler 3000 km à vélo cette saison-ci. Et il me reste encore du temps pour atteindre mon 3500 km! Donc, je pense que c’est un exemple qui démontre que je suis capable de concilier différentes activités.
J’ai même fait installer un support à vélo derrière ma voiture de fonction. Pour moi, c’est très important. C’est une question d’équilibre dans ma vie et dans mon esprit. Et ça me permet, je pense, d’être encore plus efficace dans mon travail. Vous savez, lorsque nous sommes bien entourés, les choses vont bien. J’ai une belle équipe. Je pense également qu’en arrivant l’année passée, j’ai envoyé un message positif à l’endroit de la fonction publique en disant : « Moi, j’ai confiance dans les employés de la fonction publique, ce sont des professionnels ». Alors, au point de départ, j’ai senti que ça créait un bon climat. C’est sûr que lorsqu’il y a des choses à ajuster, nous le faisons. Mais de façon générale, je suis heureux de compter sur un excellent travail d’équipe.