Construire et assurer la pérennité des bâtiments dans une région nordique comme le Nunavik ou le Nord-du-Québec représente un défi important, notamment à cause de la rigueur du climat, des problèmes liés à la surpopulation et du mode de vie axé sur la chasse, la pêche et la cueillette.
Espace Habitat vous présente deux initiatives fort intéressantes qui visent à améliorer la qualité de vie de ces populations vulnérables.
Le programme Pivallianiq : pour un pacte du mieux-vivre au Nunavik
En vigueur depuis février 2012, le programme Pivallianiq connaît un engouement sans précédent depuis la dernière année, tant auprès des locataires de l’Office municipal d’habitation Kativik (OMHK) que des élèves et des adolescents provenant des 14 communautés du Nunavik.
Ce programme, auquel la Société d’habitation du Québec a contribué pour une somme de 1,5 M$ en 2015, vise à informer et à sensibiliser les Nunavimmiut quant aux avantages que présente le fait de grandir dans des milieux de vie sécuritaires, sains, paisibles et en bonne condition.
L’Escouade de l’entretien

Félicitations à Mmes Susie Tulugak, Agga Nayoumealuk, Alicie Sivuarapik, Nina Kiatainak, Maaly Jaaka, Daisy Angutinguak, Ina Cain, Linda Roy Makiuk et Rhoda Annanack Snowball pour avoir achevé leur formation!
L’Escouade met en action une équipe d’agents communautaires qui visitent les locataires de l’OMHK, leur offrent gracieusement un guide d’entretien et une trousse écologique de produits de nettoyage et leur prodiguent des conseils sur le bon entretien de leur habitation. Les familles chez qui l’on constate, après au moins deux visites, l’application des bonnes pratiques proposées dans le guide, se voient décerner la certification Pivallianiq, renouvelable annuellement. Depuis 2012, plus de 650 familles ont reçu une première certification Pivallianiq.
Au total, ce sont plus de 950 familles qui participent au programme et l’équipe s’apprête à mettre les bouchées doubles pour démarrer une série de visites afin de certifier de nouveaux locataires exemplaires, ce qui permettra l’atteinte de l’audacieux objectif de 1 000 certifications pour le mois d’août 2015.
L’atelier scolaire Nanuk

Un groupe de jeunes du village d’Inukjuak, au Nunavik, a participé à l’un des ateliers organisés dans le cadre du programme Pivallianiq.
Adapté aux réalités culturelles du Nunavik, l’atelier vise essentiellement à sensibiliser les élèves de 5e et 6e années du primaire aux valeurs de l’habitation et à leur inculquer de saines habitudes de vie. En 2014, plus de 550 jeunes répartis dans quelque 45 classes du Nunavik ont participé à l’atelier interactif et se sont vu remettre le diplôme Pivallianiq Nanuk. La tournée 2015 est plus vivante que jamais avec au-delà de six communautés visitées et l’ajout de classes de 3e et 4e années à son horaire chargé!
La campagne « Non au vandalisme »
Séances de danse et d’entraînement, leçons d’inuktitut, activités de graffiti sur toile ou papier et de coloriage, collectes de déchets ou simples balades à l’extérieur : toutes les occasions sont bonnes pour rassembler les jeunes et tenir des discussions spontanées sur leurs préoccupations. En 2014, les trois travailleurs de rue du programme Pivallianiq – Zig, Dr Step et ShatterStar – ont visité les communautés de Puvirnituq, d’Inukjuak, de Salluit et de Kangirsuk afin d’améliorer la qualité des milieux de vie, de lutter contre la violence et l’intimidation et, enfin, de réduire le vandalisme. En mars 2015, la deuxième campagne « Non au vandalisme » a débuté dans les communautés d’Akulivik, de Tasiujaq et de Kangiqsualujjuaq, où deux sessions auront lieu en cours d’année.
Et du côté des Cris de la Baie-James?
Au Québec, la population crie s’élève à plus de 14 500 personnes qui sont réparties dans neuf villages situés sur les rives de la baie James et de la baie d’Hudson ainsi qu’à l’intérieur des terres. La plupart de ces personnes habitent dans des logements construits par le conseil de bande, grâce au soutien financier du gouvernement fédéral. Ces logements sont alloués aux résidents par le conseil de bande en fonction du revenu et du nombre de personnes qui composent le ménage.
Comparés à ceux de l’ensemble du parc québécois, les logements de bande requièrent davantage de réparations majeures, comptent plus de pièces et sont plus surpeuplés.
Pas moins de 34,2 % des 2 750 logements de bande recensés en 2011 avaient besoin de réparations majeures, comparativement à seulement 7,2 % des logements de l’ensemble du parc québécois.
On remarque également que les soutiens de ménage y sont plus jeunes, qu’il s’agit plus souvent de femmes et que le taux de prévalence des ménages de grande taille (cinq personnes et plus) y est nettement plus important. Tous ces facteurs entraînent une surutilisation et une usure prématurée des logements.
Programme de formation sur l’entretien de bâtiments nordiques
Dans ce contexte, la Commission scolaire crie et le Centre régional de formation professionnelle Sabtuan ont travaillé ensemble pour offrir un programme de formation sur l’entretien de bâtiments nordiques.
Ce programme, d’une durée de 1 320 heures, permet de former une quinzaine de Cris chaque année, ce qui fait qu’actuellement, des gens de maintenance qualifiés et sensibilisés à l’importance de l’entretien préventif sont répartis dans toutes les communautés.

Georgie Herodier, employé du CCSSSBJ et superviseur de la maintenance, en compagnie de l’enseignant Denis Tremblay et de quelques-uns de ses élèves du Centre régional de formation professionnelle Sabtuan.
Les compagnies Venmar et Lifebreath ont fourni gracieusement les équipements. De plus, elles ont formé l’enseignant et offert le matériel didactique.
M. Alain Hamel, à l’emploi du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James (CCSSSBJ) au moment d’écrire ces lignes, explique que l’un des grands défis est d’instaurer une culture de la maintenance préventive.
Les maisons ont été conçues par des concepteurs du sud, avec des échangeurs d’air et selon des normes mieux adaptées au climat plus doux des régions situées au sud du 49e parallèle. Cependant, l’usage qu’ils en font est tout autre que celui que nous faisons de nos habitations. Ils sont parfois 8, 9 ou 10 personnes à vivre dans chacune des maisons. De plus, ils cuisinent souvent pour d’autres familles. La surpopulation induit aussi une surutilisation des douches. Les bâtiments sont très étanches, dotés de réseaux de ventilation rudimentaires non balancés (et souvent débranchés), sans unités de préchauffage ou de systèmes de compensation de la dépressurisation causée par les appareils d’évacuation (hottes et ventilateurs d’extraction). Tous ces éléments additionnés au manque d’entretien font que les habitations se détériorent très rapidement, ce qui ajoute à la problématique du manque de logements, car la restauration des habitations contaminées par les moisissures nécessite souvent l’évacuation des occupants.
M. Hamel souligne aussi que la conception des maisons qui sont sujettes à la surpopulation devrait se faire selon d’autres normes. Les Autochtones vivent différemment de nous. Leurs maisons devraient mieux correspondre à leur mode de vie. Il y a donc un travail d’éducation à faire dans le domaine de la construction, mais aussi une tâche d’éducation liée au fait qu’il n’existait pas de bâtiments comme ceux d’aujourd’hui, il y a trente-cinq ans, et ce, que ce soit des bâtiments résidentiels ou publics.
Les communautés dont les villages sont situés le plus au sud adoptent graduellement le mode de vie nord-américain. Cette transition est facile à constater en se baladant dans les villages. Dans les quartiers où les maisons sont construites pour les travailleurs externes et ceux où les autochtones sont propriétaires de leurs maisons, c’est majoritairement propre et bien tenu. Le problème est surtout visible dans les quartiers développés par les conseils de bande où les familles nombreuses, disposant de moins de revenus et souvent plus attachées aux valeurs traditionnelles, vivent dans des habitations inadaptées à leurs besoins.
Au lieu de changer des poignées de porte et des lumières, les participants au programme de formation sur l’entretien de bâtiments nordiques vont avoir des routines de maintenance. Ils seront mieux équipés pour en faire plus. Et il faut dire que les bris sont nombreux. Par ailleurs, conclut M. Hamel, ce sont d’excellents élèves et des gens adorables!
À consulter
Précisions concernant le soutien financier du gouvernement fédéral
En vertu de la Constitution du Canada, la juridiction sur les Indiens, de même que sur les terres des indiens, appartient au gouvernement fédéral et non à celui des provinces. En conséquence, à moins d’une entente particulière, c’est le gouvernement fédéral qui doit voir à financer les différents services publics offerts sur les réserves indiennes, ce qui inclut évidemment le logement. Les Cris, les Inuits et les Naskapis ont pour leur part un statut particulier qui découle de la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord Québécois, en 1976. Cependant, contrairement aux Cris et aux Naskapis, les Inuits ont choisi de ne pas être assujettis à la Loi sur les Indiens. Leurs communautés ne sont donc pas des réserves indiennes, ce qui explique que les interventions du gouvernement du Québec à leur égard sont différentes de celles qui concernent les réserves indiennes.