Par Andrée Boulanger
La majorité des adultes, y compris ceux ayant une déficience intellectuelle, veulent vivre de façon autonome. Cependant, si la transition entre la vie au sein du noyau familial et l’indépendance peut s’avérer difficile pour n’importe qui, elle l’est encore plus pour les personnes vivant avec une déficience intellectuelle, qui doivent faire face à de nombreux obstacles. Catherine Fortier en sait quelque chose. Elle avait 33 ans quand elle a enfin pu quitter la résidence familiale.
« Ça n’a pas été facile de convaincre mes parents que j’étais capable de trouver un logement, mais maintenant je vis seule et j’en suis fière. Je me sens responsable de moi, comme une vraie adulte. Mes amis me trouvent très chanceuse. »
Si les amis de Catherine l’envient, c’est qu’ils sont peu nombreux à avoir la chance d’avoir un logement à eux. Ils veulent prendre leurs propres décisions, choisir où et avec qui ils vivent, ce qu’ils mangent et ce qu’ils font de leur temps. Contrairement aux préjugés populaires, la majorité des personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle légère peuvent apprendre à vivre avec leurs limitations et, avec du soutien, mener une vie active et autonome. Cependant, il y a un écart important entre le nombre de logements nécessaires et le nombre de logements disponibles et adaptés pour ces personnes.
Des besoins variés en matière de logement
« La principale préoccupation des parents de personnes vivant avec une déficience intellectuelle est de trouver un milieu de vie qui favorise le développement des aptitudes de leur enfant adulte et une certaine liberté de faire, avance Marie Boulanger-Lemieux, directrice de l’Association pour l’intégration sociale, Région de Québec. Chaque personne étant unique, il faut prévoir une variété de choix et mettre l’accent sur l’intégration sociale des personnes vivant avec une déficience intellectuelle afin qu’elles puissent vivre leur vie comme les autres membres de la société ».
Actuellement, le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle de Québec et les centres de santé et de services sociaux apportent du soutien à leur clientèle adulte afin que ces personnes puissent accéder à un logement (appartement supervisé ou non, pension, etc.) qui leur offre la meilleure qualité de vie et la meilleure intégration sociale possibles. Cependant, les personnes qui intègrent une ressource le font pour une longue durée, ce qui limite encore davantage l’offre. « Ainsi, les personnes qui sont prêtes à quitter le nid doivent pouvoir compter sur le développement de nouvelles avenues résidentielles et de mesures de soutien variées dans la communauté », précise Mme Boulanger-Lemieux.
Une lourde responsabilité pour les familles
Néanmoins, vivre en communauté pour une personne ayant une déficience intellectuelle se résume bien souvent à vivre chez ses parents. Or, ces derniers, tout comme leurs enfants, vieillissent et en viennent à chercher une solution qui puisse convenir à tous.
Les membres de la famille sont la seule source de soutien de 80 % des adultes ayant une déficience intellectuelle. (SCHL)
Un chemin parsemé d’embûches
Bien des difficultés se dressent devant les personnes ayant une déficience intellectuelle qui souhaitent vivre de façon autonome, entre autres :
- leurs ressources financières sont souvent restreintes;
- les services de soutien visant à aider les personnes à planifier, effectuer et vivre la transition vers un mode de vie autonome sont limités;
- les familles et les organismes de soutien craignent pour la sécurité de ces personnes
et mettent quelquefois en doute leur capacité à vivre seules.
Un jeu qui en vaut la chandelle
« Chaque pas vers l’autonomie permet aux personnes vivant avec une déficience intellectuelle de se valoriser socialement, de s’accomplir. Il faut permettre à ces personnes de faire des choix et d’avoir des responsabilités qui correspondent à leurs capacités », soutient Mme Boulanger-Lemieux.
Une intégration sociale réussie permet aux personnes vivant avec une déficience intellectuelle de partager les mêmes lieux de vie, avec certaines adaptations, que toute autre personne. En plus d’être valorisante, cette « normalisation » a l’avantage de permettre à la personne d’utiliser les services, les lieux et les équipements collectifs mis à la disposition de tous selon les mêmes modalités.
Et au-delà des aspects pratiques, le fait d’intégrer un logement à soi apporte à toute personne une grande valorisation et un sentiment de réussite. « J’ai une appartenance à un milieu, je sens que je participe. Si je suis capable d’être en appartement, c’est que je peux vivre comme les autres. Les autres aussi le pensent et c’est valorisant », conclut Mme Fortier.
Un peu moins de 3 % de la population vit avec une déficience intellectuelle. Il y aurait donc près 250 000 personnes vivant avec une déficience intellectuelle au Québec. (Association québécoise pour l’intégration sociale)
Quelques projets réalisés ou qui le seront
sous peu avec l’aide de la SHQ
- Les Résidences du Plateau à Val-d’Or, un ensemble de 63 logements destinés à des personnes ayant une déficience intellectuelle et à des aînés en légère perte d’autonomie.
- Les Habitations Michel Lapierre à Sherbrooke, une nouvelle résidence de 8 logements supervisés destinés à des personnes vivant avec une déficience intellectuelle et à des personnes handicapées, qui ouvrira bientôt ses portes.
- La Maison Jolivie à Brossard, une résidence spécialisée qui comprend 16 logements supervisés adaptés aux besoins des personnes vivant avec une déficience intellectuelle, qui sera bientôt inaugurée.
- Les appartements Sainte-Jeanne à Pont-Rouge, qui regroupent 24 logements destinés à des personnes ayant une déficience intellectuelle et à des personnes à faible revenu.
- Les appartements de la Rive à Thetford Mines, qui offriront 16 logements supervisés destinés à des personnes ayant une déficience intellectuelle.
À consulter :
Du rêve à la réalité, 12 modèles de milieux de vie alternatifs, 12 histoires : mode d’emploi pour le développement de milieux de vie novateurs et sécuritaires, où l’Association du Québec pour l’intégration sociale décrit 12 milieux de vie destinés à des personnes présentant une déficience intellectuelle.