Par Julie Berthold
Chaque année, la Société d’habitation du Québec et ses partenaires aident plus de 230 000 ménages à améliorer leurs conditions de logement. L’une des missions d’Espace Habitat est de donner la parole à ces personnes, afin de bien comprendre en quoi nos interventions ont une importance déterminante dans leur vie.
Au-delà des chiffres, il y a des gens et des histoires de vie uniques. Voici le témoignage touchant de Maxime, un homme qui demeure aux Résidences du presbytère depuis octobre 2011, après avoir fait un séjour de 10 mois en réinsertion sociale à la Maison de Lauberivière
.
Si Maxime a accepté de se confier à nous, c’est d’abord parce qu’il a le désir de contribuer à la lutte contre les préjugés dont sont victimes les gens qui, comme lui, ont connu des épisodes de vie difficiles et ont dû avoir recours aux services destinés aux personnes itinérantes. Nous le remercions chaleureusement de son immense générosité.
L’enfance volée…
Aussi bien le dire tout de suite, Maxime n’a pas connu l’enfance à laquelle il avait droit. Benjamin d’une famille de 5 enfants, Maxime a été séparé de sa sœur et de ses 3 frères lorsque sa mère a quitté le domicile familial. Il n’avait que 3 ans à l’époque. Pour diverses raisons, son père n’a pu prendre le relais et les enfants ont tous été dispersés dans différentes familles d’accueil. « De 3 à 11 ans, j’ai été un enfant de la DPJ », affirme l’homme de 45 ans qui est d’une vivacité d’esprit et d’un calme désarmants.
Au cours de cette période où il a été « ballotté d’une famille d’accueil à une autre », Maxime a été victime d’agressions sexuelles et de violence constante. « Ma grande crainte était de reproduire ce scénario de violence à l’âge adulte. J’étais terrifié à cette idée. Toute ma jeunesse a été passée à travailler là-dessus, à essayer de transposer le négatif en positif. »
À 11 ans, je raisonnais comme un jeune de 18 ans.
Lorsque son père vient le chercher, Maxime, qui a alors 11 ans, croit, à tort, que sa vie de violence est enfin terminée. « Je me faisais mettre à la porte par mon père régulièrement. À ce moment-là, je dormais dehors, été comme hiver. »
Malgré tous ses efforts, Maxime ne parvient pas à effacer ces images qui tournent en boucle dans sa tête. C’est alors qu’à l’âge de 12 ans, il commence à fumer du cannabis, pour endormir ses souffrances et relâcher cette pression qui l’empêche de fonctionner. C’est le début de 32 longues années de toxicomanie.
Itinérant à 14 ans
Après un séjour de quatre mois au Manitoba, où une tentative de rapprochement avec sa mère se solde par une douloureuse déception, Maxime décide de partir « faire sa vie ».
Le jeune homme, qui n’a que 14 ans, se retrouve alors dans les rues de Montréal. « Je couchais au parc Lafontaine, caché dans les buissons. Parfois, je squattais des immeubles vacants. » Pendant 3 ans, l’adolescent passe entre les mailles du système, victime du manque de ressources destinées aux jeunes de la rue (une lacune qui, heureusement, est aujourd’hui corrigée grâce à des organismes comme Dans la rue ou Le refuge des jeunes
).
À 17 ans, Maxime déniche un emploi dans un casse-croûte et parvient enfin à louer son premier logement : une minuscule chambre située sous un escalier. « J’avais juste assez d’espace pour y entrer un matelas et une tablette sur laquelle j’avais déposé une petite télévision. Je vivais dans un placard, mais c’était ma maison. J’avais enfin MON chez-moi. »
Un chemin inhabituel
Maxime a connu un parcours de vie peu commun. À 21 ans, après être devenu copropriétaire du casse-croûte où il avait été engagé, une faillite le retourne à la case départ. Par la suite, il occupera de nombreux emplois. De Montréal à Québec en passant par Calgary, il sera tour à tour tenancier d’un bar after hour, vérificateur narcotique dans une compagnie pharmaceutique, cuisinier et poseur de gypse.
La consommation de drogue ne l’empêche pas de fonctionner : au contraire, c’est le seul moyen qu’il trouve alors pour rester en vie. « J’ai toujours souffert de dépendance affective. Il fallait que j’aie une présence à côté de moi pour pouvoir fonctionner et la drogue jouait ce rôle. J’étais parfaitement conscient de ce que je faisais et je l’assumais pleinement. »
Maxime a également connu un grand bonheur : celui de devenir père. Sa fille, qui a aujourd’hui 14 ans, est la plus grande fierté de sa vie.
Enfin une vraie famille
En 2009, Maxime est au bout du rouleau. Il vient de perdre son emploi comme déménageur à Québec et doit quitter le logement qu’il partage avec un ami, car il n’a plus d’argent pour payer le loyer.
« Je suis parti à pied, avec toutes mes choses dans un coffre en bois et une valise attachée après ma ceinture. » Après quelques heures de marche, Maxime se présente à Lauberivière, où on lui réserve un accueil chaleureux qui fait tomber ses appréhensions. « Quand je suis arrivé, je me suis dit : « Ça y est, je suis un itinérant. » Un préposé est venu m’accueillir. Ça m’a soulagé de voir qu’il ne me jugeait pas et j’ai rapidement compris que je venais enfin de trouver la famille que je n’avais jamais eue. »
Par la suite, Maxime rencontre un intervenant et, ensemble, ils établissent un plan d’intervention. Il doit d’abord se donner du temps pour reprendre le contrôle de sa vie. Maxime, qui n’avait jamais touché à un chèque d’aide sociale de sa vie, doit ravaler son orgueil. « J’ai trouvé ça rough, mais je n’avais pas le choix. » M. Éric Boulay, directeur général de la Maison de Lauberivière, explique que ce processus est parfois nécessaire. « Le travail n’est pas toujours la solution. Il faut créer un espace pour pouvoir avancer avec les gens, aller au fond des choses avec eux. Néanmoins, il faut leur assurer un revenu minimum. »
Avec l’aide des intervenants, notre ami reprend des forces. Puis, il est recruté comme préposé au centre de jour par le coordonnateur qui a rapidement repéré en lui le gars travaillant. « J’ai alors déniché un petit 1 ½ à 550 $ par mois, chauffé, éclairé, câble fourni. J’ai rencontré le propriétaire et j’ai été très transparent. Je lui ai dit : « Si vous voulez me louer, je suis prêt à passer par la fiducie de Lauberivière. » » Le propriétaire, en confiance, accepte de lui louer.
Mais Maxime retombe. Il n’arrive pas à se détacher de son passé, qui le poursuit sans cesse. Il fait alors une demande d’admission au programme de réinsertion sociale de Lauberivière. « C’était ma dernière chance. S’ils ne m’avaient pas accepté, ma vie aurait été terminée. » Pendant 10 mois, l’homme cesse de consommer et fait un « ménage intense dans sa vie », en étant encadré par une équipe professionnelle. « J’ai appris à mieux reconnaître mes émotions et à sortir ma colère : contre ma mère, contre ma famille et contre moi. » Il termine ses études secondaires et complète une formation d’agent de sécurité au Centre de formation professionnelle de Québec.
L’accès à un logement supervisé
En octobre 2011, Maxime emménage aux Résidences du presbytère. « Je sentais, pour la première fois, que j’avais mérité cette place-là pour les efforts que j’avais mis sur ma personne. »
Qu’est-ce que cela a changé dans sa vie? « Si je n’avais pas eu accès aux Résidences du presbytère en postréinsertion, je n’aurais pas quitté la réinsertion, je ne me serais pas senti prêt. » Sur place, Maxime se sent en sécurité. Il aime qu’un intervenant soit toujours disponible.
À l’instar des autres locataires, il doit cependant composer avec le jugement des voisins. « Les gens savent qu’ici résident des anciens toxicomanes ou alcooliques et des gens qui ont connu de grosses problématiques de vie. Par contre, ce qu’ils ne savent pas, c’est que personne ne break, ici : nous sommes tous des personnes qui sont aux études ou qui travaillent. »
Et l’avenir?
Maxime travaille maintenant comme agent de sécurité. Son employeur, qui connaît son parcours, est d’une ouverture totale à son égard. « Avoir la confiance d’un patron, ça aide beaucoup. » Dans quelques mois, il quittera les Résidences du presbytère. Il a déjà un logement en vue. « Je connais le propriétaire, c’est un type très gentil. »
Avant de nous quitter, Maxime sort une photo de sa poche. On y voit une belle jeune fille, souriante. Mais ce qui retient notre attention, ce sont d’abord ces yeux paternels, ce regard rempli de fierté et d’amour, dans lequel on peut clairement déceler la promesse d’un avenir meilleur.
Bonne chance, Maxime!