Par Joëlle Pelletier
Première partie
Préjugé : croyance, opinion préconçue souvent imposée par le milieu, l’époque, l’éducation : parti pris, idée toute faite (Le Petit Robert). Malheureusement, les préjugés sont rarement positifs. Ils sont aussi encore trop présents dans plusieurs sphères, dont le domaine de l’habitation, particulièrement à l’égard du logement social et communautaire. C’est d’ailleurs ce que confirme le sondage d’opinion sur les préjugés que nous vous présentons aujourd’hui. Ce vox pop a été mené auprès des représentants de nos principaux organismes partenaires en logement social et communautaire ainsi qu’auprès de résidents d’immeubles regroupés sous ces organismes.
Le point de vue des résidents d’immeubles regroupés sous nos principaux organismes partenaires en logement social et communautaire
Êtes-vous témoin ou avez-vous été témoin de préjugés?
« J’ai souvent entendu l’expression « gang de BS » venant de gens de divers milieux de la société, d’entrepreneurs, de voisins, etc., pour parler des locataires qui demeurent dans les habitations à loyer modique (HLM).
De plus, ces gens disaient qu’avec la chance que nous avions de demeurer dans ces logements, nous n’avions aucune raison de nous plaindre de quoi que ce soit. »
– Marie-Josée Sansoucy, présidente de la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec
« Oui, les gens me traitaient de malade mental; ils me disaient que j’étais un drogué, avant même que je leur parle. »
– Sylvain Lamoureux, locataire de l’immeuble ChambreClerc
« Il peut arriver que l’on sente, de la part de personnes, une certaine forme de réticence. Mais la plupart du temps, cette réserve est liée à une méconnaissance de la formule coopérative. Souvent, les gens ne distinguent en rien les particularités des formules que l’on nomme « logement social et communautaire ». Tout ce qui est connu, c’est la formule HLM et les préjugés qui s’y rattachent.
Lorsque l’on explique un peu l’univers des coops, les gens le confondent avec la formule des copropriétés (condos). La formule coopérative n’est pas facile à cerner par tous : une pratique d’autogestion collective dans un monde centré sur l’acquisition de richesses individuelles.
Nous devons noter que la confusion est aussi causée par certains groupes de pression qui revendiquent de nouveaux logements sociaux où les coopératives d’habitation et les HLM sont confondus. Il faut bien distinguer dans les revendications ce qui est un HLM, un OBNL, une coop : plusieurs besoins à combler et différentes formules qui existent. »
– Nathalie Genois, membre de la coopérative d’habitation Vie de quartier
– Jean Bouchard, membre de la coopérative d’habitation Accordéons-nous
– René Robert, membre de la coopérative d’habitation Les habitations sympathiques
Les préjugés ont-ils ou ont-ils eu des répercussions sur vous?
« Mes enfants m’ont demandé de ne pas dire aux parents de leurs amis que nous habitions dans un HLM, car ils étaient certains que s’ils l’apprenaient, leurs amis ne pourraient plus les fréquenter.
Pour ma part, j’attends de bien connaître les gens avant de leur révéler que j’habite dans un HLM. J’enlève également, pour certaines occasions, la carte de stationnement dans ma voiture afin que les gens ne puissent pas savoir que j’habite un HLM. »
– Marie-Josée Sansoucy, présidente de la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec
« Il arrive, malheureusement, que certains entrepreneurs ou commerçants entretiennent une forme de mépris envers les gens qui habitent dans une coopérative d’habitation. Les services offerts manquent de rigueur et les membres ne sont pas pris au sérieux dans leurs démarches auprès d’eux, par exemple pour demander une soumission ou pour faire effectuer des réparations.
Sinon, nous ne subissons pas de répercussions particulières. Évidemment, les idées qui circulent dépendent aussi des milieux de vie, des quartiers dans lesquels nous vivons. Habituellement, nos entourages respectifs connaissent la formule et la distinguent de la formule HLM, car soit qu’ils y vivent, soit qu’ils travaillent pour le mouvement coop ou soit que nous avons expliqué en détail les particularités de cette formule. Les amis de nos enfants (jeunes adultes), pour la plupart, trouvent intéressante cette façon de vivre, en collectivité, dans des processus démocratiques à échelle humaine. »
– Nathalie Genois, membre de la coopérative d’habitation Vie de quartier
– Jean Bouchard, membre de la coopérative d’habitation Accordéons-nous
– René Robert, membre de la coopérative d’habitation Les habitations sympathiques
Y a-t-il des pistes de solution pour la lutte contre les préjugés?
« Dans un premier temps, je crois que l’inconnu et l’ignorance sont à la base de nombreux préjugés. Alors, concernant ce qui se passe dans le milieu des HLM, tenir des forums entre des employés d’un office municipal d’habitation et les résidents de HLM, comme l’a fait l’Office municipal d’habitation de Longueuil, l’an passé, avec son forum « Et si on faisait connaissance », est une façon d’apprendre à mieux se connaître et à s’apprivoiser.
À l’extérieur des HLM, faire connaître tous les projets, les efforts et la prise en charge des locataires de HLM au moyen de campagnes publicitaires serait, à mon avis, un bon moyen de sensibiliser la population en général et de diminuer ainsi les préjugés. »
– Marie-Josée Sansoucy, présidente de la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec
« Il faudrait que tout le monde s’entraide pour faire des tâches. Le bénévolat, ça aiderait. Aux États-Unis, même les prisonniers travaillent. Il faut les tenir occupés [les prestataires d’aide financière de dernier recours], les valoriser quand ils font de bonnes choses, au lieu de se nuire avec, entre autres choses, la drogue. Ceux qui font des bonnes actions, du bénévolat, c’est la solution. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir! »
– Sylvain Lamoureux, locataire de l’immeuble ChambreClerc
« Oui.
- Que le mouvement coopératif informe la population de ses particularités propres
- Que les membres qui y habitent connaissent bien la formule coopérative et qu’ils puissent en parler clairement (que les membres en fassent eux-mêmes la promotion)
- Que les membres soient fiers de leur milieu de vie pour faire rayonner la formule coopérative en habitation
- Que l’on présente la formule coopérative en habitation non pas comme des logements pas chers et « cheap », mais bien comme une formule distinctive axée sur la pratique démocratique et organisationnelle
- Que les membres entretiennent bien leurs immeubles pour une meilleure image! »
– Nathalie Genois, membre de la coopérative d’habitation Vie de quartier
– Jean Bouchard, membre de la coopérative d’habitation Accordéons-nous
– René Robert, membre de la coopérative d’habitation Les habitations sympathiques