Par Julie Berthold
Depuis 1983, la Maison de Lauberivière, à Québec, aide les hommes et les femmes en difficulté à reprendre le contrôle de leur vie. En plus d’offrir des repas et de l’hébergement à court et à moyen termes, le refuge (ouvert tous les jours, sans exception, 24 heures sur 24) offre de nombreux services pour accompagner les gens dans leur démarche de réinsertion sociale.
Un lieu d’écoute et de respect
Mercredi, 13 mars 2013 : une autre de ces journées où l’hiver, interminable, nous incite à ne pas mettre le nez dehors. Au centre de jour de la Maison de Lauberivière, une quinzaine d’hommes sont attablés, au chaud. À la télévision, qui diffuse les images des milliers de fidèles réunis à la Place Saint-Pierre, on vient d’apercevoir la fumée blanche qui annonce l’élection du nouveau pape. Des rires et des plaisanteries fusent de toutes parts. Il règne une atmosphère bon enfant, quasi familiale, qui tranche avec la lourdeur des histoires que portent en eux tous ces hommes.
Dès notre arrivée, Éric Boulay s’empresse de nous accueillir. Au passage, le jeune directeur général prend le temps de saluer les gens qu’il croise. Son regard se détourne rapidement vers un homme, assis, seul, dont le sourire timide dissimule mal une souffrance trop longtemps enfouie. Sans hésiter, M. Boulay s’avance vers l’homme, lui tend la main et s’accroupit devant lui, le temps d’une brève discussion et d’une accolade. Une scène touchante, qui en dit long sur la philosophie de la Maison et de ses intervenants.
Il y a toujours une souffrance dans l’exclusion sociale
Contrairement à ce que pensent plusieurs, il n’y a pas qu’un seul profil de clientèle, à Lauberivière, soit celui de « l’alcoolique chronique dans la cinquantaine ».
Oui, il y a bien des alcooliques et des toxicomanes, mais aussi des personnes aux prises avec des problèmes de jeu compulsif, ou d’autres qui ont vu leur vie s’écrouler après la perte de leur emploi ou un deuil. On y voit par ailleurs des personnes souffrant d’une maladie mentale qui n’ont jamais reçu l’aide dont elles avaient besoin pour pouvoir avancer dans la vie.
Fait à noter : de plus en plus de femmes font appel aux services de Lauberivière, ainsi que plusieurs jeunes adultes (environ le tiers de la clientèle est âgé de 18 à 30 ans).
Selon Éric Boulay, il y a deux principaux facteurs qui mènent à l’exclusion sociale, soit des problèmes personnels et des facteurs sociétaux. « Vu d’un œil extérieur, on préfère mettre ça sur le compte des facteurs personnels, parce que c’est rassurant de penser que c’est pas de notre faute en tant que société. »
L’itinérance, c’est très confrontant.
– Éric Boulay, DG de la Maison de Lauberivière
Notre société contribue pourtant au phénomène de l’itinérance. « On crée ça par notre regard, par notre manque de connaissances, et non par mauvaise volonté. Il faut que les gens s’intéressent plus à cette question. Il faut aussi trouver des solutions pour assouplir les structures sociales et pour ramener les gens qui sont exclus. »
Quand l’estime de soi est au plus bas
Selon Éric Boulay, chaque histoire est unique et c’est la raison pour laquelle chaque intervention doit être unique. « La seule chose que tous ces gens ont en commun, c’est une estime de soi qui est à zéro. » D’où l’importance d’accorder à chacune de ces personnes l’attention qu’elle mérite afin de l’aider à reconstruire cette estime, sans laquelle rien n’est possible.
« Nous travaillons avec des gens qui ont des brisures invisibles. Ces personnes ont été frappées si fort par la vie qu’elles n’ont plus la capacité de s’en sortir toutes seules. C’est ici qu’on entre en jeu », affirme le directeur général.
La Maison de Lauberivière
- Plus de 5 000 personnes aidées par année
(dont plus de 50 % ne viennent qu’une seule fois) - 80 % d’hommes – 20 % de femmes
- Une moyenne de 500 repas servis par jour
- Un centre de jour
- Un service d’hébergement temporaire
(39 lits pour les hommes et 12 lits pour les femmes) - Un centre de dégrisement (10 lits)
- Un programme de réinsertion sociale (15 lits)
- 14 logements communautaires supervisés (les Résidences du presbytère)
- Un service de fiducie qui vient en aide à plus de 130 personnes
- Un plateau de travail
- Une clinique médicale, des douches, un service de buanderie, une friperie
- 150 bénévoles (dont 80 bénévoles réguliers)
- 80 employés
Les bénévoles
Sans l’engagement de ses bénévoles, Lauberivière ne pourrait accueillir les 5 000 personnes qui frappent à sa porte chaque année. Pour Lyne Blais, qui vient servir le repas du midi chaque jeudi depuis quelques mois, c’est une façon de rendre à Lauberivière une petite partie de l’aide qui a été apportée à certains de ses amis. Par ce geste, la souriante bénévole a le sentiment qu’elle dépose son « petit grain dans un gros bol de riz », une petite touche qui peut apporter beaucoup…