Par Julie Berthold
Refuge : lieu où l’on se retire pour échapper à un danger ou à un désagrément, pour se mettre en sureté
(Le Petit Robert).
Refuge des jeunes de Montréal : lieu d’accueil et d’entraide où transitent chaque année plus de 600 jeunes hommes de 17 à 24 ans, sans abri et en difficulté.
Quand on cherche le mot « refuge » au moyen d’un moteur de recherche Web, la majorité des résultats font référence à des lieux d’accueil pour animaux abandonnés. On en vient alors à se demander comment une société comme la nôtre en arrive à avoir besoin d’un refuge pour ses jeunes!
Car, c’est bien de NOS jeunes dont il s’agit, selon Dan Bigras, qui s’est gentiment prêté au jeu de l’entrevue avec Espace Habitat.
« C’est nos enfants. Ce n’est pas des martiens criminels qui débarquent d’ailleurs. Et si ce n’est pas nos enfants, c’est les enfants des voisins, de nos frères, de nos sœurs ou de nos cousins. On a tous une histoire dans notre famille, ou dans une famille proche qu’on connaît. »
Ces jeunes, Dan Bigras les connaît bien puisqu’en plus d’être porte-parole du Refuge des jeunes de Montréal depuis 23 ans, il les côtoie chaque jour dans la rue. Il leur parle, s’intéresse à eux, les connaît et les appelle par leur prénom. « J’habite au centre-ville. J’ai deux fenêtres qui fournissent des abris et j’en ai deux [jeunes] qui dorment dans ma fenêtre. Quand on se réveille en même temps, je leur fais un café. Sinon, ils s’arrangent. Moi, j’ai fait un deal avec eux : “Vous ne faites pas de campement avec 25 personnes, mais si vous êtes deux, et que ça se passe bien, il n’y a pas de problème.” »
Des jeunes de plus en plus maganés
Le profil des jeunes de la rue a changé depuis les débuts du Refuge. « Ils sont de plus en plus maganés, de plus en plus abandonnés, de plus en plus ostracisés. On veut bien voir Les voleurs d’enfance de Paul Arcand, on va pleurer, mais on recroise ces jeunes-là un an après, dans la rue, et on leur dit : “Va te trouver un job!” Et si jamais ces jeunes-là, pour survivre, vont laver des vitres d’auto, ils vont se prendre des coups de matraque [de la part de citoyens mécontents : scène observée à plusieurs reprises par notre interlocuteur]. »
Selon le bienveillant chanteur, en plus d’aller de plus en plus mal, les jeunes de la rue souffrent cruellement du manque de ressources. « La moitié de notre clientèle arrive directement des centres jeunesse. Ce sont des enfants qui ont été abandonnés. Les intervenants font tout ce qu’ils peuvent. Mais par manque de financement, les centres jeunesse barouettent leurs intervenants. À toutes les deux semaines, ils les changent de place. Alors, aussitôt que le jeune commence à s’attacher à quelqu’un et qu’il développe une relation de confiance, l’intervenant est obligé de sacrer son camp dans une autre
unité ou dans un autre centre jeunesse. Alors les jeunes, pour ne pas se blesser, apprennent à ne jamais s’attacher à personne. Et après on exige d’eux qu’ils se comportent bien, qu’ils tombent en amour, qu’ils se trouvent un job, mais le chemin est beaucoup plus long que ça. »
Le Refuge des jeunes
Services de première ligne
- Centre d’urgence pour des jeunes hommes de 17 à 24 ans
- Ouvert jour, soir, nuit, tous les jours sans exception
- Une équipe d’intervention composée de 18 personnes
- Gite temporaire avec un dortoir de 45 lits
- Repas et dépannage alimentaire
- Accompagnement pour diverses démarches
Volet logement social
- 19 logements sociaux (1 ½ meublés et chauffés; les jeunes sont locataires et paient un loyer).
- Suppléments au loyer versés par le Refuge
- Une équipe d’intervention de trois personnes pour le soutien et l’accompagnement au quotidien