Par Julie Berthold
Certaines villes du Québec n’échappent pas aux impératifs de développement durable et de densification, auxquels s’ajoutent des défis d’ordre économique qui font en sorte que, plus que jamais, nous devons être créatifs en matière d’habitation et d’aménagement du territoire.
En ce sens, et comme l’ont souligné avec justesse plusieurs participants au Rendez-vous de l’habitation, le Québec compte plusieurs exemples très inspirants. Le magazine Espace Habitat a choisi de vous en présenter trois.
La Conviviale, à Rimouski
À Rimouski, un projet fort inspirant est sur le point de se concrétiser. Il s’agit de la construction d’un complexe d’habitation qui comprendra trois bâtiments, lesquels offriront au total 40 logements à des familles, à des personnes seules et à des personnes vulnérables. Les locataires de La Conviviale auront également accès à une salle communautaire où des services d’accompagnement leur seront offerts par des intervenants sociaux.
Jusqu’ici, rien d’extravagant. Mais ce projet d’habitation communautaire, qui a nécessité des investissements de plus de 7,4 millions de dollars de la part de la Société d’habitation du Québec, de la Société canadienne d’hypothèques et de logement et de leurs partenaires du milieu, se distingue des projets similaires par sa conception qui s’inspire des normes de l’habitat passif. Ainsi conçu, le bâtiment affichera une consommation énergétique très basse, ce qui permettra aux locataires de voir leur facture d’électricité et de chauffage considérablement réduite.
Francine Saint-Cyr, directrice générale de l’Office municipal d’habitation de Rimouski (OMHR), nous parle des débuts de La Conviviale : « Dès le départ, l’idée d’intégrer des éléments à caractère bioclimatique était primordiale. L’équipe a donc commencé par faire une analyse détaillée du site de manière à implanter le bâtiment de façon stratégique ».
En effet, en orientant un immeuble dans l’axe est-ouest, la façade sud (fenestration dominante) reçoit un maximum de rayons solaires durant l’hiver, ce qui favorise les gains thermiques.
« Afin d’éviter la surchauffe à l’intérieur des logements durant l’été, le groupe de concepteurs a travaillé sur certains aspects architecturaux pour en maximiser les bénéfices. En allongeant la toiture des façades sud et les balcons, par exemple, les locataires profiteront abondamment de la lumière extérieure, sans subir la surchauffe estivale attribuable aux rayons du soleil », a précisé Mme Saint-Cyr.
Le concept général propose des logements transversaux qui favorisent une ventilation naturelle des pièces. De plus, une fenestration généreuse contribue à l’obtention d’espaces vivants et lumineux.
« L’OMHR s’est penché sur l’efficacité énergétique de l’enveloppe extérieure des bâtiments. La grande performance des murs et des plafonds, sur le plan de la résistance thermique, accentue les bénéfices que présente le solaire passif ainsi que le confort des occupants », a ajouté Mme Saint-Cyr.
Pour la conception des bâtiments, l’OMHR a choisi de travailler avec la firme de génie-conseil Écohabitation, en partenariat avec la firme d’architectes Proulx et Savard, de Rimouski. À l’aide du logiciel PHPP (Passive House Planning Package), qui calcule la demande d’énergie d’un bâtiment à très haute performance énergétique, Écohabitation procède à la simulation énergétique de bâtiments passifs selon le standard Passivhaus.
Cet ensemble résidentiel d’importance majeure pour la région de Rimouski, dont le chantier a débuté à la fin du mois de mai, devrait être terminé en février. Les locataires pourront donc y emménager le 1er mars 2015.
Les Habitations Trentino (le projet K), Québec
Le coup d’envoi des Habitations Trentino a été donné le 24 octobre dernier par le ministre du Travail et ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, Sam Hamad, et par le maire de Québec, Régis Labeaume.
Ce complexe d’habitation comprendra un bâtiment divisé en deux parties aux structures distinctes : l’une qui consistera en une ossature légère de bois et l’autre qui sera construite en panneaux de bois lamellé-croisé. Il offrira 40 logements destinés à des familles et à des personnes seules.
Ce projet, qui a nécessité un investissement de plus de 7 millions de dollars de la part du gouvernement du Québec et de ses nombreux partenaires, est le fruit d’une collaboration inspirante entre le Québec et l’Italie.
En plus de la Société d’habitation du Québec, qui y a consenti près de 3,3 millions de dollars, la Ville de Québec a consacré plus de 860 000 $ à la construction de cet immeuble qui s’intègre dans la Cité Verte, le premier quartier multirésidentiel d’envergure constitué de bâtiments verts et intelligents à voir le jour au Québec.
L’Office municipal d’habitation de Québec développe et assure la gestion de ce projet auquel contribuent plusieurs partenaires, dont le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, la SSQ groupe financier, le Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services de l’École polytechnique de Montréal, la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois de l’Université Laval, le Québec Wood Export Bureau et FPInnovations.
Le chantier de construction des Habitations Trentino de la Cité Verte de Québec prend forme!
Dans le cadre de ce projet, qui est issu d’une collaboration entre la Société d’habitation du Québec et l’Istituto Trentino Edilizia Abitativa, un immeuble semblable a été construit dans la région de Trento, en Italie. Nous pourrons donc comparer les méthodes de construction, la performance énergétique et l’empreinte carbone des deux bâtiments.
Les Habitations Trentino s’inspirent des normes relatives à l’habitat passif, qui désigne un bâtiment dont la consommation énergétique est très basse, ce qui permettra de réduire de façon considérable la facture qui y est associée.
En plus de faire avancer la recherche et de contribuer à la mise en valeur de l’expertise des travailleurs québécois ainsi que du bois, matériau dont la résistance et les propriétés énergétiques sont inégalables, ce projet permettra bientôt à 40 ménages à revenu faible ou modeste de bénéficier d’un logement abordable et de qualité.
Pour plus d’information sur l’utilisation du bois :
La maison Kénogami
En juillet 2012, un incendie réduit en cendres la maison qu’Alain Hamel, consultant en habitation écologique et administrateur d’Écohabitation, avait construite de ses propres mains.
Loin de se laisser décourager par ce terrible coup du sort, M. Hamel se retrousse les manches et entreprend, à l’aide de quelques précieux amis et spécialistes du domaine de la construction écologique, la reconstruction de sa résidence de Lac-Kénogami. Celle-ci deviendra, quelques mois plus tard, la maison la plus efficace au Québec, du point de vue énergétique.
Certifiée LEED Platine, avec le plus haut pointage obtenu en Amérique du Nord, cette maison respecte tous les critères de performance énergétique édictés par la très exigeante certification allemande Passivhaus. Et ce n’est pas rien lorsqu’on considère que pour obtenir cette certification, un immeuble doit être conçu pour être chauffé presque uniquement par le soleil!
La maison de M. Hamel aura donc été la première maison de type « solaire passif » à être construite dans un climat aussi froid. Pour être chauffée, celle-ci ne requiert, en plein hiver, qu’à peine plus d’énergie qu’une cafetière que l’on aurait oublié d’éteindre. De quoi rendre jaloux bon nombre d’entre nous!
Pour parvenir à un tel résultat, M. Hamel et son équipe n’ont rien laissé au hasard. Tout a été calculé : l’orientation de la maison, la nature des matériaux isolants, la masse thermique1 , l’épaisseur des murs, la performance des fenêtres et leur étanchéité, et plus encore.
Plusieurs autres innovations ont été intégrées à cette maison, comme un mur végétal hydroponique (potager) et un mur de brique intérieur lui permettant d’emmagasiner la chaleur.
Des panneaux photovoltaïques, un poêle à bois et une thermopompe lui permettent de produire sa propre énergie. Un système de recyclage de l’eau de pluie la rend également autonome quant à l’approvisionnement en eau.
Et qu’en est-il du coût de telles installations? Si la maison Kénogami a coûté quelque 700 000 $ à construire, c’est qu’elle est dotée de nombreux équipements et systèmes qui ne sont pas nécessairement obligatoires pour une maison solaire passive. En fait, selon Alain Hamel, une telle maison peut ne coûter que 10 % de plus qu’une maison conventionnelle.
Il faut cependant savoir s’y prendre : « En gros, le meilleur conseil que je pourrais donner à quiconque désire s’engager dans un tel projet, indique M. Hamel, c’est de se faire accompagner par une personne qui possède le savoir, les ressources et l’expérience terrain pour concevoir et construire un tel bâtiment ».
Et il ajoute : « Quand nous dépassons les limites de ce qui est la pratique courante de l’industrie, nous obligeons les entrepreneurs généraux et leurs sous-traitants à sortir de leur zone de confort. Et, sachant que cette industrie est un modèle de conservatisme, le prix à payer pourrait être considérable ».
Bref, nous avons encore du chemin à faire pour sensibiliser les gens à l’importance d’améliorer la qualité et la durabilité des bâtiments, ainsi que la pérennité de notre patrimoine bâti. Mais chaque petit pas fait en ce sens compte. De ce point de vue, nous pouvons affirmer qu’avec la maison Kénogami, un pas de géant vient d’être fait.
Pour en savoir plus sur la maison Kénogami ou sur les principes de la conception solaire passive, nous vous invitons à consulter le site Web d’Écohabitation.
1 La masse thermique est la capacité de certains matériaux lourds (béton, brique, terre crue) à retenir puis à libérer la chaleur ou la fraîcheur.